mercredi 22 juillet 2015

Miettes de trek 1


Marcher.
C'était le but en venant ici.
S'imprégner du paysage au rythme de nos pas.
Et penser.
Ce que l'on fait le plus en marchant.
Quand on commence à faire de la randonnée en montagne, c'est comme une drogue.
Avec ce besoin d'y revenir régulièrement.
De revivre le sentiment si intense d'atteindre le sommet et le plaisir incomparable de délacer ses souliers, à la fin de la journée.
Ce besoin d'avoir sa dose.
Son fix.


(...)

La vallée de la Markha.
Trek de 6 jours qui permet surtout, si on le désire, de dormir chez les gens et donc de ne pas avoir à transporter de tente.
Pas trop extrême, il parait, même s'il y a le passage d'un col à 5200 mètres.
C'est difficult sans être very difficult.
De toute manière, selon la météo ou les conditions, même le trek le plus facile peut se révéler être la montée de l'Everest.
Le goulag ou le nirvana.
Et la montagne, on ne la domine jamais, c'est elle qui décide.
On fera avec ce que l'on aura.
Un pas à la fois.


(...)

30 secondes après être partie de notre "homestay" pour rejoindre notre guide, Catherine me souffle qu'elle est déjà tannée de marcher.
Nous partons à rire.
Pourquoi on fait ça déjà?
Ah oui, on va être contentes à la fin.
Rires.

(..)

Getso, c'est son nom
20 ans, étudiant en commerce à Jammu, ladakhi qui vient d'un village pas loin, chandail de Bob Marley.
Guide, c'est sa job d'été.
Il me dit que son nom veut dire Océan.
Je trouve que c'est beau que des parents, vivants si loin de la mer, aient pu rêver de ce prénom pour leur fils.
Je suis contente de marcher avec lui.
Il est souriant, tout le temps.
Il me plait.

(..)

Voyage qui commence à l'indienne.
Avec la voiture qui tombe en panne.
Fumée un peu partout.
Je rigole en me rappelant la même situation vécue au Laos.
Certitude que tout va finir par s'arranger d'une manière comme d'une autre.
Nous sommes au pays de la débrouille et des plans B,C et D.
Je ferme les yeux et j'attends.
Suis en vacances.
Rien ne presse de toute manière.

Magiquement, après 20 minutes de gossage et de je ne sais pas trop quelles manoeuvres, la voiture repart.
Pour s'arrêter de nouveau.
Et repartir pour de bon.

J'le savais tellement.

(...)

Marcher sur la lune.
C'est l'impression que nous avons.
Désert de roches.
On longe la Zanskar.
Le pont pour passer vers l'autre rive a été emporté il y a deux ans.
Pas de problème, il y a un bac du genre tyrolienne.
Cordes et poulies et plate-forme en bois.
On doit héler un gentil passant de l'autre bord pour tirer sur la corde avec nous.
Recette du moyen-âge mais qui a fait, moultes fois, ses preuves.
Nous traversons au-dessus d'une eau tumultueuse.
Arbraska peut aller se rhabiller.

(...)

Le soleil plombe.
Nous sommes à plus de 3500 mètres.
Nous sentons nos peaux cuire.
Même Catherine doit mettre de la crème pour ne pas bruler.
C'est tout dire.
Souffle un peu court et vertige dès que nous regardons par en haut ou par en bas.
C'est haut de partout.

Nous suivons la vallée.
C'est fou le contraste entre la roche et la végétation.
C'est taillé au couteau.
Ici la mort, ici la vie.
D'un même regard.

(..)

Difficile de refuser une tasse de thé.
De la jeune fille sous la tente.
De la grand-mère dans la maison.
Du moine qui nous a fait visiter son monastère.
Après cette dernière tasse, Getso me dit que c'est fini pour lui.
Plus capable d'avaler une autre tasse.
Nous partons à rire.
Contente de savoir que je ne suis pas la seule qui est saturée.
Mais comment dire non?
Je bois pour faire plaisir.
Et pour partager.

(...)

Elle était assise et brossait de la laine.
Sous une tente, avec sa fille qui tenait le "magasin".
Une armoire avec deux-trois trucs.
This is the hotel m'avait dit Getso.
C'était là que nous allions diner..
Nous avons alors fait comme les enfants à la cafétéria.
Nous avons échangé nos lunchs.
Sandwiche baguette contre chapatis confiture/beurre.
Nous avons définitivement gagné au change.

Et voir ses yeux s'illuminer quand je lui ai dit qu'elle était si belle.

(...)

Arrivés dans un village.
4 maisons, des jardins, de la vie autour de l'eau.
C'est là que nous allons rester pour la nuit.
Les maisons sont des homestays en rotation.
Comme ça, pas de jaloux, c'est chacun son tour de recevoir et de faire des sous.
C'est pauvre.
Tellement.
Pour vrai.

J'ai l'impression que rien n'a du beaucoup changer depuis des centaines d'années.
À part le poste de télévision qui prend de la poussière dans un coin.
Ce qui est le plus surprenant c'est l'habillement.
J'ai la certitude de contempler quelque chose qui n'existera plus dans quelques années.
Que c'est la dernière génération de gens à vivre comme ça.
Avec rien.


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