lundi 6 juillet 2015

It's always tea time

On ne sait jamais à l'avance de quoi nos souvenirs seront faits.
On ne sait jamais ce qui restera fort et présent dans notre tête et ce qui deviendra, peu à peu, flou et vague.
On ne sait jamais ce qui s'inscrira et ce qui s'estompera.
Quelles sont les images que nous garderons?
Quelles sont les anecdotes que nous raconterons sans fin?
C'est uniquement au fil du temps que nous saurons véritablement ce qui s'est incrusté et ce qui a disparu.

J'espère tellement me souvenir de ce moment où nous avions envie d'un thé.
Envie de se poser dans un coin d'ordinaire et de quotidien.
Envie de se sentir appartenir à un moment tellement anodin.
Envie de se fondre dans la masse en répétant ce geste universel et routinier que celui de boire une tasse de thé.

It's always tea time.

(...)

Au croisement de deux ruelles.

Il nous a fait entrer dans son mètre cube.
Son univers tout entier qui y tenait.

Son "salon de thé".
Minuscule.
Sombre.
Encombré.
Émouvant.

Un banc pour deux et un siège sur lequel s'était déjà posé un homme.
Les cheveux blancs, mille rides comme autant de sillons qui lui creusaient l'expression.
Vieux, sec, noueux, édenté.
Un sourire immense, il était rayonnant.
Namasté, qu'il nous a salué en joignant ses mains.
Il avait l'air d'être tellement content de nous avoir pour voisins de thé.
Ses yeux pétillaient comme s'il se racontait inlassablement une sacré de bonne blague.

La première tasse fut pour lui.


Et son premier réflexe fut de nous présenter le paquet de biscuits qu'il avait dans les mains.
Des biscuits secs dans le genre social thé.
Naturellement
Ça ne s'invente pas.
Plus qu'une invitation, c'était une demande.
De manger avec lui, de partager, de recevoir.
Impossible de refuser, et c'est trois biscuits que nous avons finalement acceptés et trempés dans notre tasse.
En souriant avec lui.
De toutes nos dents.
C'était rien et c'était pourtant tout à la fois.

Le meilleur thé masala du monde? certainement pas.


Mais un moment unique qui nous a rempli dans cette universalité du bonheur de partager un bout de rien, une tasse de thé, un moment de vie.


Il est parti en remettant son sac de biscuits dans sa poche et en nous donnant cette impression que nous avions fait sa journée.

Savait-il qu'il avait fait la nôtre?

(...)

Gare de Delhi.


Train de 6 heures am en direction d'Agra.


Nous avions beau être prévenues, quand un gars qui semble être d'autorité te demande à voir ton billet.
Devant la police, juste avant le scanner à bagages.
Tu lui montres ton billet.


C'est de même, nous sommes spontanément obéissantes.


Naturellement, il trouve que ça ne marche pas ton affaire, entoure un truc sur ton papier, te baragouine comme quoi la mention "général" n'est pas bonne, que ça te prend une autre mention et nous envoie nous faire voir ailleurs, en l'occurence vers le guichet 61.

On n'efface pas des années de conditionnement nord-américain aussi facilement et c'est docilement que l'on se rend vers une direction quelconque et vaguement esquissée.


Cest lorsqu'un autre "man in charge" nous dit que le train ne passait pas ce matin, qu'il fallait prendre celui de 7 heures 15 en déboursant un montant en us dollars que je suis partie à rire.


De moi.


Me suis trouvée un peu torchonne.


Suis retournée voir le "préposé" à l'anarquage des touristes pour lui dire que j'allais me rendre pareil à la plateforme 1 même si mon billet n'était pas bon.


"Will see on the train " que je lui dis.

Na!
Naturellement, "on the train", tout était beau.

Mes amis qui êtes déjà venus en Inde, vous avez le droit de sourire.


(...)

J'adore le train.
Mon moyen de transport préféré.
Surtout en Asie.
C'est plein de vie, celle dans le train et celle qui défile par la fenêtre.
Ne plus trop savoir où regarder, dedans ou dehors.
Bidonvilles et misère en banlieue de Delhi, le long de la voie ferrée.
Le cœur qui se barricade un peu.
Verdure ensuite d'une campagne que l'on croyait presque improbable.
Rythme indolent et bruit de fond qui incite à la réflexion.
Sensation de ne faire qu'un avec les rails qui nous brasse le corps.
Le train incite à la méditation.

C'est plein de nourriture aussi.
S'il y a bien une chose en Inde qui n'est pas un problème, c'est vraiment de trouver à manger.
N'importe quand, partout, ça cuit, ça grille, ça frit, ça mange.
Quête quotidienne, préoccupation universelle, occupation essentielle.
Se nourrir.

Ce matin, dans le train, Catherine et moi avons joué à la dinette.

Définitivement, en Inde comme dans bien des ailleurs, it's always tea time!



 

1 commentaire:

  1. Oh! Que je me sens privilégiée de pouvoir lire ça et participer ainsi à votre voyage! Merci.

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