jeudi 9 juillet 2015

Il y avait un trésor

Au début, c'était surtout pour éviter la foule des chauffeurs de rickshaws.
Sans doute, aussi, parce que nous étions un peu gênés de devoir commencer à marchander le prix des courses.
Ne sachant pas trop les tarifs et les codes, nous nous sommes alors tournés vers ce qui était le plus naturel pour nous, et avons spontanément marché en direction du métro.
Après tout, des millions de personnes le prennent tous les jours.
Pourquoi pas nous?

Peu de touristes dans les rues de Delhi et d'Agra.
C'est vrai que ce n'est pas vraiment la saison.
En juillet, en pleine mousson, l'Inde est chaude et humide.
Collante.
Poussièreuse.
Suante.


Peu de touristes, mais surtout peu, ou voire pas du tout, de touristes qui marchent.
Car, l'Inde ne se marche pas vraiment.
Les trottoirs n'existent pas et les rues sont pleines avec les voitures, les marchands de tout, les vendeurs de rien, les caniveaux pleins de déchets, les chiens errants, les vaches, les bicyclettes, les trous, les pavés manquants, les mendiants, les gens qui ont décidé qu'ils se couchaient drette là, les étalages de n'importe quoi qui existent sur terre.
Name it, et ça se trouve sur une rue de Delhi certain.
De toute manière, la marche est un loisir de riches et les trottoirs un luxe que l'on ne retrouve pas souvent dans les pays pauvres.

Peu d'arbres, peu d'ombre, peu de vent, le soleil plombe, la poussière monte à la gorge et les odeurs agressent les sens.
Marcher dans les rues devient alors un sport extrême.
Un chemin de croix.
Une idée étrange et presque burlesque dans un pays ou, en prime, se déplacer autrement qu'avec les pieds ne coûte rien ou si peu.
En Inde, il y a toujours quelqu'un, dans un certain moyen de transport, qui peut t'amener quelque part.

Come, tuk tuk very very cheap
On s'est fait regarder.
Stupéfaits.
Walking? really?


Rires. Les leurs.


Nothing to see in the streets.


Rires. Les notres.


Tout à voir dans les rues.

Nous sommes alors devenus des vedettes.
Parce que dans les ruelles d'Agra, nous détonnions.
Les enfants venaient en courant nous saluer.
Les gens se massaient à la fenêtre et nous criaient des hello sonores, tout contents lorsque nous levions les yeux pour les saluer.
Les gens, devant leurs maisons, se précipitaient à l'intérieur pour aller avertir le reste de la maisonnée de venir voir dehors.
Le spectacle étrange.
Dans leur monde où il n'y avait rien à voir, des étrangers osaient ouvrir vraiment les yeux pour croiser les leurs.

(...)

Nous l'avons suivie.
Elle revenait de l'école avec son uniforme à carreaux.
Elle nous a fait signe de venir avec elle.
En se retournant plusieurs fois.
Come, come.
Souriante.
Nous pensions qu'elle nous indiquait que la ruelle débouchait bel et bien mais c'était chez elle qu'elle se terminait.
On s'est retrouvés assis dans son salon, avec ses soeurs.
Des verres d'eau apportés sur un petit plateau.
Are you christian? fut la première question.

Et pour une fois, ça ne m'a pas trop dérangé de répondre que oui j'étais chrétienne (pardon à mes convictions).
Devant leurs sourires tout contents (peu de chrétiens à Agra) nous venions de créer un premier pont.


Et le reste a suivi.


Baragouinage en anglais de base, gestes, sourires.
Nous avons regardé les photos du mari ingénieur d'une des soeurs prises en vacances dans la neige de Manali.
Nous avons bu un Fanta après l'eau.
Nous avons demandé des mots en hindi.
Et nous avons pris des photos.


Dans cette petite cour intérieure d'une ruelle d'Agra.
Quelconque et insignifiante.
Il y avait un trésor.












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