vendredi 19 juin 2015

Faire son sac



Les pèlerins sur le chemin de Compostelle disent que le poids de notre sac c'est, en quelque sorte, le poids de nos peurs et que nous trainons sur notre dos tout le fardeau de ce qui nous effraye le plus. 

Peur d'avoir froid, peur du noir, peur d'avoir faim, peur de manquer de vêtements propres, peur de s'ennuyer, peur de se perdre, peur de porter toujours la même chose, peur de ne pas tout prévoir, peur de ne pas tout avoir.

Je pense à ça à chaque fois que je commence à paqueter mes bagages.

Je ne veux tellement pas porter mes peurs.

Je refuse.

Je rêve de ne voyager qu'avec une brosse à dent et un kit de rechange. 
Je rêve de me contenter de peu. 
Je rêve de ne plus prévoir toutes les situations possibles. 
Je rêve de ne plus me dire "juste au cas" pour ce cas qui n'arrive jamais. 
Je rêve de faire confiance.

Je fais mon sac en tentant de me rappeler l'Asie. En me souvenant que nous portions peu et que nous avions, surtout, besoin de peu. 

Vraiment peu. 

Nous sommes revenus avec le tiers de ce que nous avions au début. Plus léger, plus mobile, plus simple.

Je fais mon sac en domptant ma tête. 

En me souvenant aussi que c'est mon dos qui porte, mes jambes qui supportent, que je vais être en altitude, que je vais être seule, que je ne veux pas m'encombrer.

Je fais mon sac en me rappelant que finalement rien n'est vraiment essentiel, que le bonheur ne réside pas dans ce qu'on apporte ou dans ce qu'on oublie. 

Je fais mon sac comme un exercice de lâcher prise, comme un acte de foi envers moi-même.

Je fais mon sac comme mon premier défi.

Celui de me faire confiance.

Mon sac, vide pour l'instant...

vendredi 5 juin 2015

Dans un mois

Dans un mois, je serai en Inde.



Ce devait être, à l'origine, un voyage en quatuor dans cette Inde mythique qui m'attire tant depuis que je suis petite.
Circonstances obligent, ce sera finalement un voyage en duo, ma fille et moi.



L'objectif c'est le Ladakh, le nord, les montagnes. 

Retrouver un peu de cette ambiance himalayenne que nous avions effleurée lors de notre mois au Népal, en 2012, et qui demeure, encore maintenant, un souvenir tellement fort et indélébile.
Un coup de coeur.
Un coup au coeur.



Ma fille et moi, nous sommes népalaises, nous l'avions déjà décidé il y a trois ans.



Marcher et se sentir si petite, dépassée par les sommets.

Marcher et se sentir si viscéralement connecté avec l'humain en nous. Refaire ce geste millénaire de mettre un pas devant l'autre.
Inlassablement. 
Suivre des traces.

N'avoir que ses jambes et un sac.
Se sentir nomade et libre.

Marcher surtout avec sa tête et aller au bout de soi, physiquement et mentalement.



Dire que je ne suis pas stressée serait vraiment mentir. 

Je suis full énervée, comme dirait mes enfants, et j'ai peur autant que j'ai hâte. 

L'Inde ce n'est tout de même pas la Gaspésie. 

Même en groupe ce n'est jamais un voyage facile, même pour les voyageurs d'expérience c'est un défi, même pour les indiens ce n'est pas si simple…



Glurp.



Je sais que ce ne sera pas de la tarte. 

C'est, selon mon ex-mari, semblable à rien de ce que l'on a pu connaitre ou voir ou visiter avant.
Rien.

Je suis prévenue.
 

Sollicitation constante qui demandera d'être sur mes gardes et en hyper vigilance, tout le temps.

Je sais que ce sera chaud le temps que je vais être à Delhi. 

Je sais que je suis une femme (duh) et ma fille une belle adolescente (duh encore). 

Je sais que c'est pauvre. 

Je sais que c'est dense.

Je sais que c'est bordélique.

Je sais. 

Je sais. 

Je sais.



Mais, je suis une fille de défi (oui, il est de taille…je le sais aussi!)


Et, j'ai besoin de partir seule.
De me définir sans un autre.



De trouver mes limites, de les atteindre, de les franchir ou de les admettre.
De faire mes choix.



J'ai hâte, surtout.

De vivre cette expérience avec ma fille qui me ressemble tant. 

Dans mes peurs, il n'y a pas du tout celle de ne pas m'entendre avec cette adolescente si ouverte sur le monde et si authentique. 

Notre relation est faite de complicités, de rires et de transparence. 

On ne s'enfarge jamais, on ne s'accroche que rarement.

Nous avons hâte d'être nous.
De nous avoir juste l'une pour l'autre.
De nous construire ces souvenirs. 




Je sais aussi que je vais trouver des gens sur ma route.

Parce que je suis comme ça et que je vais en avoir besoin.



(…)



Hier, j'ai ouvert mon armoire.



J'ai ressorti mon vieux pantalon qui m'a accompagné pendant un an, sur les routes les plus débridées.

Un pantalon de marche, usé, délavé, tout croche, avec la patine de tonnes de poussières de bord de route, imprégné de toute la sueur du monde. 

Et, je l'ai renfilé. 

Et, j'ai souri.

Bouffée de quelque chose de chaud au creux du ventre.

Le retour d'un vieil ami. 


Ma fille et moi...