Les pèlerins sur le chemin de Compostelle disent que le poids
de notre sac c'est, en quelque sorte, le poids de nos peurs et que nous trainons
sur notre dos tout le fardeau de ce qui nous effraye le plus.
Peur d'avoir froid, peur du noir, peur d'avoir faim, peur de
manquer de vêtements propres, peur de s'ennuyer, peur de se perdre, peur de
porter toujours la même chose, peur de ne pas tout prévoir, peur de ne pas tout
avoir.
Je pense à ça à chaque fois que je commence à paqueter mes
bagages.
Je ne veux tellement
pas porter mes peurs.
Je refuse.
Je rêve de ne voyager qu'avec une brosse à dent et un kit de
rechange.
Je rêve de me contenter de peu.
Je rêve de ne plus prévoir toutes les
situations possibles.
Je rêve de ne plus me dire "juste au cas" pour
ce cas qui n'arrive jamais.
Je rêve de faire confiance.
Je fais mon sac en tentant de me rappeler l'Asie. En me
souvenant que nous portions peu et que nous avions, surtout, besoin de peu.
Vraiment peu.
Nous sommes revenus avec le tiers de ce que nous avions au
début. Plus léger, plus mobile, plus simple.
Je fais mon sac en domptant ma tête.
En me souvenant aussi
que c'est mon dos qui porte, mes jambes qui supportent, que je vais être en
altitude, que je vais être seule, que je ne veux pas m'encombrer.
Je fais mon
sac en me rappelant que finalement rien n'est vraiment essentiel, que le
bonheur ne réside pas dans ce qu'on apporte ou dans ce qu'on oublie.
Je fais
mon sac comme un exercice de lâcher prise, comme un acte de foi envers
moi-même.
Je fais mon sac comme mon premier défi.