samedi 8 août 2015

Le syndrome du retour

Peut-être parce que c'est la fin du projet Inde.
Peut-être parce que j'ai ce besoin de remplacer un défi par un autre.
De tester encore mes limites, de me pousser plus loin, de respirer plus fort encore
Peut-être que c'est aussi, un peu, une peur du vide, du rien.
Du monotone, du quotidien.
Cette peur de s'encrasser, de s'embourgeoiser, de se lover dans un confort anesthésiant.
Cette peur de respirer toujours le même air même s'il sent bon.

Peut-être que c'est juste parce que je me sens bien.

Mais je reviens avec encore plus de rêves dans ma tête.
Et des envies immenses.
Des idées un peu étranges.
De projets un peu fous.

Pas nécessairement des grandes choses.
Pas nécessairement des révolutions industrielles.
Pas nécessairement de quoi écrire à sa mère.
Mais, cette envie de faire des tas de petits pas.
Qui peuvent sembler insignifiants ou ordinaires mais qui, pour moi, ne le seront pas.
Quelques bonds par en avant, quelques sauts dans le vide, quelques sautillements sous la pluie.
Comme lorsque l'on était petit et que l'on s'amusait à ne marcher que sur les lignes du trottoir.
Et d'être si fier d'y parvenir.

Je sais que je vais repartir.
Je sais que je vais avoir besoin de ressentir, à nouveau, ce vent dans mes ailes.
Ce souffle dans mon dos.
Ce frisson dans mes narines.
Cette odeur d'ailleurs.

Comme une promesse que la vie me chuchotte.
J'irais encore voir plus loin si je n'y suis pas.
Encore.

Quelques fois.


(...)

Je le savais.
On ne revient jamais complètement intact.
On éparpille des miettes de nous, on récolte les miettes des autres.
Voyager c'est aussi beaucoup à l'intérieur de soi que cela se passe.
On se remue, on se questionne, on se repositionne.
On se perd un peu.
On espère se retrouver.
Déconstruction, reconstruction.
Ça brasse.
En dedans.

Je me sais différente.
Je me sens différente.
J'ai fermé des parenthèses en moi.
J'ai fait la paix avec des pans de ma vie.
J'ai trouvé des réponses.
Quelques-unes.
J'ai accepté de ne pas savoir.
Quelques fois.

Je vais avoir 44 ans dans un mois.
Tous les possibles existent.



Et.


J'ai hâte.

lundi 3 août 2015

Éternellement Paris!

C'est presque trop cliché de le dire.
et presque encore pire de le redire.
Encore et encore.
Mais, Paris est vraiment une ville formidable.

Je ne sais pas si c'est le fait d'être dans un petit appartement ras de la rue.
Avec cette impression d'être un peu chez soi.
Ou si c'est le contraste avec le chaos de Delhi et le rythme fou de ses rues.
Mais Paris m'a encore une fois prise délicatement dans ses bras pour m'y bercer tendrement.

Je ne sais pas si c'est parce que j'ai joué toute mon enfance avec le Monopoly Paris.
Ou si c'est parce que ça fait plusieurs fois que j'y viens depuis ce tout premier voyage avec le premier amour de mes 18 ans.
Ou si c'est parce que j'ai tant lu sur elle.
Mais tout ici me parle tout bas, me chuchotte des bribes de soi, des morceaux de moi.

Paris, j'ai déjà pleuré dans ma vie de ne pas être de toi.
J'en suis maintenant revenue mais ça me pince toujours un peu dans le coeur, en quelque part.

(...)

Fallait que je marche.
Dans ses rues désertées du mois d'aout.
Que j'hume la pierre
Que je franchisse le portail de ses petits parcs oubliés.

Et m'assoir à l'ombre d'un arbre.
Pour écouter les enfants jouer.

Tout à côté.
Respirer et sentir.

Fallait que je me replonge dans son coeur.
Que je prenne le métro.
Que je zieute les terrasses des cafés.
Que je croise les yeux de ces parisiens qui matent la rue.
Et, rire avec ce portier d'un grand magasin.
Immense noir qui m'a fait promettre de revenir demain.

Fallait surtout que j'aille voir les petits bateaux du jardin du Luxembourg.
Comme un pélerinage à ce souvenir.
Celui de l'enfance de mes enfants.
Le passage obligé de tout parent passant par le parc.
Faire voguer un voilier sur un bassin.
Plaisir tellement simple.
Et que je me tire une petite chaise verte, à l'ombre d'un palmier.
Pour lire.

Pour regarder.
Pour ne rien faire.
En ressentant un peu de la tristesse des enfants se butant au kiosque de location fermé pour la journée.

Et.
Remarcher vers chez soi.
Sourire en écoutant sa fille se demander comment ça marche pour venir étudier ici, ou y vivre, ou y vieillir.

La voir rêver.

La voir surtout tomber en amour.
Elle aussi.









On ira...

...où tu voudras.
Quand tu voudras...



(...)

N'importe quand.
Je repartirais.
Dans cette solide certitude de ne jamais nous accrocher.
De ne jamais se déplaire.
De ne jamais avoir besoin d'aller prendre un autre air que celui que l'autre respire.
Dans cette confiance que ce ne peut qu'être agréable.
Tout le temps.

Partager nos rires.
Complices.
Se comprendre sans rien dire.
Avec nos yeux qui perçoivent les mots dans le regard de l'autre.

Et nos mains le soir qui se serrent.
Juste parce ce qu'elles sont contentes d'être si près l'une de l'autre.

Être si fière de la voyageuse que tu es devenue.
Te trouver si humaine, si belle, si émouvante.
Fière de te voir sourire, marcher, parler avec les gens.
Fière de ton écoute.
Fière de ton regard sur le monde.
De ton approche vers les autres.
De ton ouverture.
De ta douceur.
De ta simplicité.

Et de ton humour...

Confiante, j'ai maintenant la conviction que tu pourras tout faire, tout accomplir.
Que le monde est à toi et que tu pourras t'y débrouiller sans encombre.
Que rien ne sera trop grand, trop gros, trop impossible.
Que tu y trouveras un chemin.
Le tien.

Cette impression si forte.d'avoir réussi quelque chose, en te voyant.

Et ce dernier jour.
Où tu es allée, seule, acheter des choses et te promener.
Dans les petites rues de Delhi.
Tu t'es fait offrir un thé et tu as accepté même si tu n'en voulais pas vraiment.
Juste parce que tu savais que la rencontre serait belle.
Dans cette pièce avec cette grand-mère et tous les autres buveurs de thé.

Tu y étais bien.

(...)

Et j'écoute tes rêves.
Celui surtout de repartir, un jour, avec ce petit frère qui est ton meilleur ami depuis toujours.

Je suis émue.
Tellement.
De vous imaginer, tous les deux, dans un ailleurs que vous aurez choisi.
Complices, heureux, libres.


Je sais que vous y serez bien.







vendredi 31 juillet 2015

Ce qui se passe en Inde reste (des fois) en Inde.

Il y a des choses que nous disons, que nous racontons et que nous avons envie d'écrire.
Il y en a d'autres que nous omettons, que nous gardons pour nous, que nous choisissons de ne pas partager.

Des fois, c'est parce que c'est trop dur de trouver vraiment les mots, d'autres fois parce que ce n'est pas nécessaire de tout dire et que nous préférons border nos mots de silence.
Il y a de ces expériences qui sont bien plus belles si elles ne se racontent jamais, ou si peu.

Des rencontres éphémères, des partages de moments fugaces, des aventures et des anecdotes qui ne feront sourire que nous.
Et tout ce voyage intérieur, ce temps passé à se regarder le dedans, à se questionner les sens, à réfléchir sur nous et le monde et qui ne se partage pas si facilement.

Ce silence qui fait avancer, ces contacts qui nous transforment toujours un peu.
Se découvrir encore.
Se connaître plus.
Avec ses failles et ses forces.
Ses doutes.
Assoir des certitudes et en remettre d'autres en question.
Se perdre en soi pour mieux s'y retrouver.

Et les quelques moments qui, hors contexte, ne peuvent s'expliquer vraiment.
Fallait y être.
Pour comprendre.

"Maman, ça c'est quelque chose qui ne se raconte pas. Va nous falloir mentir un peu."

Oui catherine, va nous falloir mettre ça dans la boîte à souvenirs de notre été indien 2015.

Souvenir que l'on ne gardera alors que pour nous car il est tout simplement le nôtre.

mercredi 29 juillet 2015

Prendre son bain

Nous étions trois.
Elles et moi.
Et nous nous lavions.

Dans les sources chaudes de Vashisht, près de Manali.
Juste à côté du temple de Rama.
Le bain des femmes et le bain des hommes.

Un moyen bassin et une petite section avec 4 robinets qui déversent une eau très chaude à l'odeur de souffre.
Chauffée par la terre.

Un bain pour vrai.
Loin de l'esthétisme et du spa.
Loin de glamour et du relaxant.
Un bain utile.
Qui lave les corps mais aussi les vêtements.
Sur soi ou à la main.

Nous étions trois.
Elles et moi.
Et nous nous lavions.

Unies par notre nudité qui nous démocratisait.
Rejointes dans cette intimité des corps qui se dévoilent.
Sans pudeur.
Sans gêne.

Nous nous lavions
Côtes à côtes.

Si semblables et si différentes à la fois.
Chacune avec nos stigmates.
Nos atouts, nos cicatrices.


Sillons et rainures.
Courbes et creux.

Le parcours de notre vie inscrit sur nos corps.


Regards sans jugement.

Entres membres de la même équipe et qui jouent dans la même ligue.
Regards de femmes qui doivent porter leur corps au quotidien.
Et l'habiter.
Quel qu'il soit.

Se sentir accueillie dans cette intimité unique que celles de se laver avec d'autres.

Prendre un bain ensemble.

En silence.

Nous nous lavions.
Contentes.

Dans un rituel de plaisir de sentir le savon sur notre peau.
L'eau chaude qui glisse sur le dos.
Le soleil qui effleure timidement.

Se rhabiller en se souriant.

Un peu.
Complices de ce moment.
Consciente d'avoir partagé.


Une portion de nous.

Tant qu'il y aura des étoiles

C'est une belle histoire.
Impossible de ne pas avoir envie de la raconter.
Un peu.
Sans doute la plus belle histoire de tout le voyage.



(...)

Catherine et Sailesh.
Le plus mignon serveur ladakhi de tout Leh.
Je le confirme.
Il est chou.


Vraiment.

Au fait, il n'est pas du Ladakh, il vient du Darjeling.
21 ans.
Réservé.
Sourire timide.
L'été à Leh, l'hiver à Goa.
Il dégage du doux.

Tellement.

Impossible de ne pas l'aimer.

Vraiment.

(...)

Comme Leh est notre centre autour duquel nous rayonnons, nous revenons souvent manger ou prendre un thé au même restaurant.
Le Mentokling.
Les serveurs sont sympathiques, la cour est ombragée et il y a de l'internet, quand l'internet fonctionne.
Et, il y a Sailesh.
Qui un soir a chanté pendant que son ami népalais jouait de la guitare.
Mais, il était chou bien avant ça.


(...)

Je ne sais pas trop comment cela a commencé.
Sans doute par une série de regards qu'ils étaient les seuls à voir.
Mais, tranquillement il est venu s'assoir avec les jeunes.
Et, ensuite, seulement avec Catherine.           
Quand je n'y étais pas.
Je l'intimidais un peu, faut croire.

Je me suis donc arrangée pour aller me faire voir ailleurs, un peu.
Consciente que l'histoire s'écrirait bien toute seule.
Et qu'elle avait déja tout ce qu'il fallait pour être magnifique.

La plus belle histoire de tout le voyage pour vrai de vrai.
Comme seules les histoires d'amour naissant peuvent être belles.

Si unique et si tellement semblable à toutes.

Comme dans un film, dira Catherine.

Comme dans toutes les chansons d'amour du monde.
Comme dans les rêves.
Comme on s'en souhaite de vivre, une ou plusieurs fois dans une vie.
Indéfiniment.

L'amour.

C'était beau.
Dans cette émotion si émouvante des toutes premières fois.
Les premiers regards, le premier toucher, le premier baiser.
La première certitude qu'un petit quelque chose de différent se passe.
Ce transportement vers un autre.
Ce courant indescriptible entre deux personnes.


Et notre coeur qui manque un battement.
Ou deux.


(...)


Et, il est venu la ramener un soir à la "maison".

Les yeux pétillants de ma fille en entrant dans la chambre m'ont émue.

"Maman, il est tellement parfait"

Oui, ma chérie.
Il est parfait.
Et tu l'es aussi.
Le sais-tu?

(...)


Et, je me suis tellement reconnue dans tes yeux remplis de rêves.
L'espace d'un moment.
Dans cet amour qui transcende, sans frontière, sans expiration, sans âge.
Tes yeux étaient semblables aux miens, semblables aux yeux de tous les gens qui croisent, un jour, un autre regard dans lequel se mirer.

Aimer, c'est merveilleux.
Tout le temps.
Tellement.

Je te voyais, frémissante, et ça me faisait sourire.
Je me sentais choyée d'être là.
Avec toi.

Et j'ai aussi souri car je sais.


Je sais que ce n'est que la première fois.
Et que tu revivras encore et encore ce pétillement, ce retournement des sens, ces élancements de coeur et de corps vers un autre.
Que tu te recouchera encore et encore en imaginant un regard, un visage, un sourire.
Que tu aimeras à nouveau une odeur, une douceur de peau, une main dans la tienne.


Et qu'ils seront tous aussi parfaits.

L'espace d'un moment.

(...)


Et il y a eu le dernier soir.
Avec les mots et les moments qui ne peuvent que leur appartenir et qui ne sont qu'aux amoureux qui partagent la même histoire.
Et qui ne se racontent pas.
Ou enfin pas par moi.

Un trésor à chérir et à garder jalousement pour soi.

Et il y a eu ce dernier matin.
Où tout le monde qui les voyait ne pouvait qu'être touché.
Profondément.
Ils étaient si beaux, si jeunes, si parfaits.
Sur ce bord de route en train de retarder le moment de se dire au revoir.
Parce qu'ils savaient très bien que c'était se dire adieu.


Et sentir la peau de l'autre pour la dernière fois, la douceur de sa main que l'on quitte, le regard qui n'a pas envie de se détacher.
Et la voiture qui s'éloigne.
Emportant cette belle histoire avec elle.


Ce magnifique souvenir de voyage.

(...)

Est-ce que tu sais Sailesh que le Ladakh aura, pour Catherine, la douceur de tes yeux?
Que son premier baiser de femme aura la saveur de tes lèvres?
Et que tu resteras éternellement parfait?

Je t'ai remercié en partant.
Pour tout ça.







"Feel the curves, don't hug them"

La vallée de la Nubra

Nous sommes partis à 4 avec Gompa notre chauffeur.
Un tout petit monsieur tout ridé et tout maigre qui ne parlait pas trois mots d'anglais mais qui riait tout le temps.
4 personnes dans une genre de van beige à la suspension usée depuis des lustres.
Direction, la vallée de la Nubra.
Pas loin, pas loin, à peine 125 kilomètres de Leh.
6 heures pour se rendre.
Nous y resterons une nuit avant de refaire le trajet en sens inverse.
Avec le passage de plus haut col carossable au monde à 5600 mètres.
Sur une route hallucinante.

Nous sommes au coeur de l'Himalaya, c'est difficile de ne pas trouver le paysage totalement hallucinant.
Tout le temps.
Ici, on n'arrête pas d'halluciner.
Mais, ce qui est le plus hallucinant c'est surtout la route en elle-même.
Sans doute la route la plus débile que j'ai jamais prise de ma vie.
6 heures à se tenir après la poignée ou après le plafond ou après le banc, à faire attention de ne pas se fracturer le crane sur la vitre, à tenter de ne pas rouler sur son voisin et à surtout, surtout, à ne pas trop regarder par en bas.
6 heures à remettre sa vie dans les mains de Gompa et à éviter de se demander à quand remontait le dernier check-up des freins et de la direction.
Au fait, cette route, ce n'est pas une route, c'est une aventure en soi.

Honnêtement, je ne comprends vraiment pas que le gouvernement (ou le je-sais-quoi du Ladakh) n'ait pas décidé de fermer ce passage pour cause de danger pour la sécurité publique.
Ou pour hécatombes trop fréquentes.
Ou pour faire baisser leur ration de morts sur les routes.
Interdire surtout cette route pour les gens qui, comme nous, ne font que l'utiliser pour se ballader et pas pour aller porter des médicaments ou des vivres de première nécessité à une population isolée.

Se ballader!
Faut vraiment aimer la ballade version extrême pour se risquer sur cette voie.
Étroite et cahotante.
Avec des passages inexistants ou presque.
Des torrents à franchir devant lesquels les voitures font la file, hésitantes, avant de s'y risquer une par une.
Des camions à dépasser (enfin que Gompa voulait à tout prix dépasser).
Des rochers en plein milieu.
Des nids de poules titanesques.
Des pelles mécaniques qui refont des segments détruits et derrières lesquelles il faut attendre que la route se fasse.
Des tournants.
Rien que ça des tournants.
Et le klaxon comme unique assurance vie.

Fallait vraiment avoir envie d'aller zieuter du côté de la Nubra pour se taper ça.
Enfin.
Le chemin étant souvent aussi intéressant que la destination.
Je sais que je me souviendrais sans doute plus longtemps de la route que de la vallée voisine.

Et puis, boire un thé à 5600 mètres.
Le meilleur thé du monde entier.
Cardamone et sucre.
Les pieds dans la neige.
Avec cette impression d'observer le monde de haut.
Ça n'a pas de prix.

(...)

La Nubra est surtout réputée pour ses dunes de sables.
Et ses promenades en chameau que l'on peut y faire.
Très grosse attraction pour les touristes indiens.
Très.

Paysage qui différe de ce que nous avions déjà vu.
On sent encore plus l'isolement des quelques maisons ou villages que nous croisons.
Il n'y a personne.
Ou si tellement peu.
C'est à se demander pourquoi il y a une route.

Nous sommes allés nous promener un peu sur les dunes de sables, en arrivant en fin de journée.
Le vent s'est levé.
Ça s'est mis à grinçer sous les dents.

(...)

C'est le lendemain matin que nous avons décidé de faire le tour de chameau.
Touristique, certes, mais c'est pas mal ce que nous sommes finalement.
Des touristes.
Et, il y a pire place pour faire du chameau pour la première fois que la vallée de la Nubra.
Avec l'Himalaya en trame de fond.
Tout de même.

Et...
C'était exactement comme nous pensions que cela serait.
Mais, ce qui était le plus le fun, c'était surtout de voir la face de Gompa, notre chauffeur, sur un chameau.
Comme il nous attendait pendant le tour, nous lui avons proposé (par l'entremise du chamelier qui parlait anglais) de faire la ballade avec nous.
Il a commencé par refuser en riant mais, nous avons insisté.
C'était la première fois de sa vie qu'il faisait la ride, après avoir sans doute vu des tas de touristes la faire devant lui.
Touchant pour vrai, c'était sans doute le plus beau 7$ investi de toute ma vie.
Il a demandé au jeune qui menait les bêtes de nous prendre en photo, a regardé le résultat tout sourire et nous a fait comprendre qu'il aimerait bien avoir le cliché...par l'entremise de l'agence.

Nous sommes restés un peu sur les dunes.
Pour le plaisir du sable chaud sous les pieds.
Avons repris la route en nous gorgeant du paysage fabuleux.
Avons fait un petit arrêt pour visiter un temple avec un immense bouddha qui semblait veiller sur toute la vallée et repris la route vers Leh.
En espérant y arriver entières.
Dans un savant mélange d'auto-tamponneuse et du Goliath façon la Ronde.

Suis certaine que la femme de Gompa allume un lampion tous les matins en espérant le revoir vivant en revenant du travail.

(...)

Départ pour Manali demain.
Deux jours pour s'y rendre.
20 heures de trajet.
Parait que la route est pire.











vendredi 24 juillet 2015

Smile is the only tax free item

C'est peut-être parce que c'était étrange de nous voir.
Ou qu'il n'y avait que des camions et des militaires sur la route.
Ou des motos version testostérone.
Mais, aujourd'hui, tout le monde nous souriait en nous envoyant la main.


Tout le monde.

(...)

C'était, cette fois-ci, l'idée d'un couple de Suisses rencontré lors de notre trek.
Leh-Lamayuru en scootie.
120 kilomètres pour se rendre et autant pour en revenir, naturellement.
Avec un dodo sur place, c'était jouable et très séduisant pour les deux scootardes que nous sommes maintenant devenues.
Un vrai de vrai road trip.
Comme dans mes rêves.
Enfin, presque.

Pour le chemin, c'était simple, fallait suivre la route à droite en sortant de Leh.
Et tout droit ensuite.
Facile comme tout.
De toute manière, il y a comme juste une route qui passe par l'aéroport et qui, ensuite, serpente par des tas de campements militaires, à travers les montagnes.
Elle est même en relatif bon état.
Lacets, sables, roches, bouette et multiples croisements de camions dans des tournants étroits.
Mais, bon, c'est le Ladakh.
Si je voulais rouler sur la 20, je ne serais pas ici, disons.

Nous sommes donc parties, Catherine et moi, avec un sac pour une nuit, deux casques et un scootie Honda presque neuf.
On était excitées comme deux gamines qui s'en allaient faire un mauvais coup.


(..)

Sur la route, presque personne au fait.
Nous roulions seules.
Entourées de montagnes.
Tout le temps des montagnes.
Et du désert de roches.
La route est la seule route qui relie Leh et Kargil, l'autre ville importante du Ladakh.
Entre ça, il n'y a rien...ou pas grand chose.
Le Ladakh est une région vide et solitaire.
Des fois, on croisait des gros camions qui nous envoyaient gentiment de la boucane noire dans les yeux.
Des fois, des motos.
Deux fois des vélos (respect profond pour ceux qui pédalaient).
Et surtout, nous croisions des tas de gens sur le bord de la route qui cassaient ou déplaçaient des caillous.
Des métiers de misère.
Du travail de fourmis.
Des forçats modernes.
Ni plus, ni moins.
Des femmes, des enfants et des hommes en guenilles qui trimaient au soleil pour tenter de gagner la bataille contre les parois rocheuses.
Tenter de.
Quand on sait que c'est inutile et qu'inévitablement c'est la montagne qui va gagner.
Invariablement, on ne gagne pas contre la nature.

Ce qui était le plus drôle c'était tout de même de lire les panneaux sur le bord de la route.
Je ne sais pas qui les compose mais ils sont vraiment tordants et ça a pour but d'inciter à la prudence.
Mon préféré est "be soft on my curves" et le préféré de Catherine étant "after whisky driving risky".
On a failli se rendre dans le champ plusieurs fois juste pour les prendre en photo.
On repassera pour la prudence.

Nous nous sommes rendues en 4 heures à Lamayuru.
Un village installé sur des parois rocheuses en plein coeur de ce que l'on nomme le Moonland.
Parait que c'est l'ancien fond d'un lac qui s'est évaporé suite aux prières d'un moine.
Prières ou pas, c'est impressionnant comme formation rocheuse.

On s'est trouvé un gite pour la nuit et on a fait la sieste.
Parce que bon, la route, ça fatigue vraiment!
Ça fait surtout mal aux fesses mais ça c'est une autre histoire.

Visite ensuite du monastère, souper avec vue sur le monastère et dodo tôt.
Le night life de l'Amayuru étant très restreint.
Disons.

Pluie diluvienne durant la nuit.
Naturellement, il pleut un peu dans la chambre.
Bah, ça où les insectes qui nous tombent dessus durant la nuit.
C'est un mal pour un autre.
On tasse son oreiller pour éviter les gouttes et on monte la couverture un peu plus haut sur notre tête pour éviter les coquerelles qui tombent du plafond.
Des fois.

(...)

Au matin, le scootie ne voulait plus démarrer.
Je réussi finalement à le faire partir en prenant un peu de vitesse dans une pente boueuse et chaotique.
Moi qui déteste le motocross c'est un peu ce que j'avais l'impression de faire.

Au seul croisement de la route, nous décidons Catherine et moi que la bonne route pour Leh est à gauche.
On s'en souvenait très bien, nous étions arrivées par là.
La route qui monte, qui monte et qui monte encore.
La route où personne ne va.

Là, j'avais l'impression de conduire un tracteur à gazon.
Un scootie même un Honda presque neuf, dans des côtes ça n'avance pas vraiment.

Bon, autant le dire tout de suite.
Ce n'était pas la bonne route.
C'était l'ancienne route de corniche qui nous ramenait en tournoyant vers Lamayuru.
Duh.
Mais.
C'était magnifique.
Désert.
La plus belle route du monde.
Suis certaine.

Bon, on a glissé dans de la bouette.
Mais à 20 km heure, c'était plus salissant que dangereux...et je n'étais pas trop près du bord.
Cette fois-ci.
Puis on a roulé dans deux pieds d'eau aussi.
Mais bon.
C'était le fun.
Après.

(...)

Et j'ai laissé conduire Catherine.
En décidant de faire confiance et en l'abreuvant de conseils aux 10 secondes.
Freine, klaxonne, dépasse, attention au sable, là une roche, moins près du bord, accélère...
Genre.
Je m'énervais moi-même mais fallait voir la route et avoir la foi en une certaine bonne étoile ancrée profond.
Disons.

Et, les camionneurs hilares que nous croisions.
Qui nous klaxonnaient juste pour nous envoyer la main.
Et les camions remplis de soldat qui se poussaient du coude pour mieux nous regarder.
Et les gens sur le bord de la route qui s'arrêtaient de peiner pour nous saluer.

Faut dire que nous n'avons pas croisé beaucoup d'équipage comme le nôtre.
Deux filles sur un scootie en direction de rien.
Deux filles qui se faisaient sécher les dents en souriant à tout vent.
Et qui envoyaient la main comme des reines sur une rutilante monture.
Un scootie Honda presque neuf.

(...)

C'était sans doute étrange de nous voir.
Nous n'avions pas vraiment rapport sur cette route.
Entre les camions et les vraies motos.
Nous détonnions et nous le savions.
On se trouvait drôles.
Mais nous étions surtout certaines qu'aujourd'hui, si tout le monde nous envoyait la main c'est surtout parce que nous étions heureuses.

Et que nous avions décidé que, nous aussi, nous allions sourire à tout le monde.


Parce que, comme nous l'avions lu sur un camion nous dépassant, "Smile is the only tax free item".











mercredi 22 juillet 2015

All is well pareil

Il pleuvait.
Dehors et aussi dans la chambre avec le plafond qui dégoutait d'un peu partout.
C'était un temps moche et l'ambiance était vraiment morose.
Vraiment.
Nous espérions un coin tranquille pour nous poser un peu et nous avions fait des kilomètres d'autobus pour ne trouver qu'un village poussiéreux et glauque.
La Birmanie nous rentrait dedans solide.
5 mois que nous étions en cavale.
C'était décembre, le temps des fêtes.
Dans ce village perdu, sur le bord d'une route principale, nous attendions que le temps passe ou encore de trouver une meilleure idée pour aller se faire voir ailleurs.
En attendant, nous stagnions.
De partout.

Et si on écoutait un film indien?
Toujours bon pour le moral ça, un film indien.
Et c'est ce que nous avons fait en regardant le film "Les trois idiots".
Et nous avons ri.
Beaucoup.
Un comfort movie.
Et dans la chambre, il faisait un peu moins sombre, tout d'un coup.

La dernière scène nous projettait dans un décor fabuleux.
Sur le bord d'un lac de montagne d'un bleu hallucinant.
Un miroir sorti de la terre.
Catherine et moi, on s'était regardées.
On va aller là un jour.
On ne sait pas c'est où, on ne sait pas quand, mais c'est certain qu'on y sera.

Un jour.


(...)

Nous sommes partis tôt, dans une camionette que nous partagions avec deux jeunes soeurs australiennes, un jeune israélien (le Ladakh est peuplé de jeunes israéliens qui voyagent quelques mois après leur service militaire obligatoire et qui en profitent pour se geler solidement) et un touriste indien ingénieur (l'Inde est peuplée d'ingénieurs, pour vrai, c'est hallucinant! ils sont TOUS ingénieurs).

Cela prend plus de 5 heures de route pour couvrir les 100 kilomètres qui nous séparent du lac Pangong, avec un passage à 5300 mètres d'altitude.
La route est sinueuse, étroite, détruite à 80%, sableuse, cabossée et on se fait brasser la cage pas mal.
Vraiment pas mal.
Genre la machine à laver à spin.
Pendant 5 heures.

Mais, c'est sympathique à bord.
David a mis du jazz dans la voiture et c'est tout de même un peu étrange comme mélange culturel.
Disons que ça ne fitte pas pantoute mais que ce n'est pas très grave.
On jase et on s'entend bien.

Il fait gris par contre.

Notre première impression du lac est...disons ordinaire.
C'est beau, certes, mais...serions-nous blasées?
L'indien dans la voiture pleurait presque de joie en disant que c'était la plus belle vue qu'il avait jamais vu de sa vie.
Pense pas qu'il ait déjà été en Suisse.

Catherine et moi on se disait qu'ils avaient été vraiment bons, avec les effets spéciaux, dans le film.
Nous nous sommes demandées, surtout, comment ils avaient faits pour couper toute la scrap autour du lac.
Remarque, elle n'existait peut-être pas avant?

On s'entend, le lac est magnifique.
Entouré de montagnes, bleu ciel.
Immense.
Avec les sommets enneigés, la pierre.
Un miroir pour vrai.
Mais, même s'il y a très peu d'habitations autour, lorsqu'il y en a c'est laid.
Très.
À croire qu'ils le font exprès.
Un mélange de ruines, de constructions à moitiés finies, de vidanges, de tôles, de n'importe quoi.

Et cette envie qui me tiraille d'organiser tout ça.
Les poubelles à une place, on va faire un vrai chemin, on va finir les maisons, on va cacher les génératrices, on va dégager la vue, on va couvrir les toilettes, on va uniformiser les affiches, on va laisser quelques arbres, on va ramasser la roche, on va interdire les cabanes en plywood et les bâches en plastique.
Ma génétique suisse, ici, souffre.

Avec l'Indien et l'Israélien nous avons joué la plus "belle" chambre à pile ou face.
Catherine et moi avons gagné la belle vue sur le lac, certes, mais sur le reste aussi.
Deux murs de vue sur de la roche, des sacs de sables, des fils électriques, des maisons en ruines et...le lac au-dessus.
Tout de même.

Nous avons marché longtemps, avant le souper, le long du lac.
Le plus intéressant étant de voir tous ces Indiens en vacances et qui viennent ici en moto pour se faire prendre en photo.
Postures bollywoodiennes en prime, c'est tordant.
Sont habillés comme s'il faisait -40.
J'imagine que c'était de mise dans le forfait "escapade à la montagne".

(...)

Après souper, nous avons sorti les cartes.
Décidément, ça va finir par devenir une habitude.
Nous avons joué avec David et un couple de wallons.
Au trou-de-cul style internationnal avec un savant mélange des règles de tout le monde.
Ça nous a pris un bon 10 minutes à compiler des réglements mais après, ça a été comme sur des roulettes.
Sans toutefois réussir à battre l'israélien qui a joué, il parait, pas mal aux cartes dans la bande de Gaza, entres autres occupations.
Well.

Demain, on va tenter de se réconcillier avec le lac
Notre indien extatique qui ne se peut plus a même demandé à notre chauffeur de nous amener plus loin, demain matin.
Vers un lieu sans habitation.

On va peut-être se réconcillier pour de vrai

(...)

Naturellement.
C'était magnifique.

Nous avons roulé 10 kilomètres vers la Chine (la majeure partie du lac se trouvant en territoire chinois) et, loin de l'empreinte de l'homme, le lac retrouvait toute sa splendeur.
Unique.
Solitaire.
Un joyau serti de montagne.
Doux.
Harmonieux.

Et nous y avons passé 3 heures.
À ne rien faire de plus que jouer dans le sable, prendre des photos, contempler toutes les couleurs du ciel se réflétant dans l'eau.
Les motards indiens avaient disparu, ne restait que nous six et le lac.
Avec cette envie de calme qui nous habitait tous.
Contemplatifs.
Impossible de toute manière de faire autrement.




(...)

Et il a fallu rentrer.
Un orage grondait dans les montagnes.
Sur la route, la pluie s'est mise à tomber.
Des trombes.
Dans un pays fait de terre et de pierre, la pluie est une arme de destruction massive.
Les routes deviennent des rivières, des cloaques.
Tout semble se lessiver et se diluer dans la même démocratisation boueuse.
Tout ce brun qui englue, même les voitures.

Et, cette certitude qu'il faudra ensuite tout refaire.
Reconstruire, recommencer.

Dans ce pays, il faut cultiver le fatalisme et la patience.
Les routes qui disparaissent ou qui s'effondrent.
L'internet qui coupe pour des semaines.
L'eau qui manque.
L'électricité aléatoire.
Les chemins qui n'existent plus.
Les ponts emportés.
Les terrains qui glissent.

Refaire.
Inlassablement.

L'enfer de Sysiphe.

Impressionnant, tout de même.

Nous sommes rentrées, crevées.
Les os en petites miettes et transies.
Avec cette impression d'avoir survécu à quelque chose, sans trop savoir ce que c'est vraiment.
L'ordinaire ladakhi sans doute.





.










L'art de se divertir

La montagne ce n'est jamais si simple.
N'importe quel trek peut prendre une tournure étrange en quelques secondes, ou moins.
Suffit de pas grand chose.

Pour nous, il a fallu le passage d'une rivière.
D'un saut par dessus et d'une mauvaise réception pour que Catherine se blesse à une jambe.
Plus capable de marcher dessus.
Ou presque.
Au milieu de nulle part avec encore 4 heures de marche pour se rendre dans un village de 3 maisons sans eau, sans électricité, sans téléphone.
Il a fallu penser vite.
Et regarder rapidement les différentes options.

Reprendre la route, lentement, en clopinant.
Là, nous avions malheureusement zéro autre option.
Getso s'est chargé du sac de Catherine, un autre guide lui a fourni un baton de marche et j'ai laissé tombé l'idée de rester les pieds au sec.
Nous avions encore des dizaines de traversés de rivières qui nous attendaient.

Selon le plan initial, nous dormions encore une nuit sur la route et, demain, nous avions une petite heure de marche avant de rejoindre notre transport pour Leh.
Ne sachant pas trop si Catherine pourrait clopiner demain, ne voulant pas nécessairement attendre pour rejoindre Leh et éventuellement un hopital si besoin est, nous avons opté pour rejoindre, si possible, Leh dès ce soir, quitte à marcher plus longtemps aujourd'hui.

Après 1 heures de marche plutôt lente nous avons atteint une tente, un "hotel" comme disait Getso.
Et, l'option cheval est alors apparue.

Fallait voir la face de Catherine quand nous lui avons amené le cheval blanc avec la petite clochette au cou.
Elle qui s'était toujours plaint d'être la seule de la famille à n'avoir jamais fait d'équitation.
La pauvre enfant!
Et la voilà.
Sur un cheval, sans selle, au coeur du Ladakh, à franchir des rivières et des torrents.
Dans un décor bucolique.
Une vraie princesse qui a souri tout le long du trajet.
Trop heureuse.
Même si je l'ai prévenue qu'elle aurait probablement, demain, plus mal aux fesses qu'à sa jambe!
Après ça, l'équitation à St-Lazarre va sembler, sans doute, un peu fade.

J'étais tout de même inquiète.
Mes enfants, depuis deux ans, ayant le don de se casser des jambes.
Puis une jambe estropiée, en voyage, il y a mieux comme idée.
Enfin, une chose à la fois.
Un souci à la fois.

Nous avons vraiment bien marché, Getso et moi.
Pas le choix, il fallait se rendre.
Je niaisais un peu Getso en lui demandant, de temps en temps, s'il avait besoin de prendre des pauses, sur la route.
-No, and you madam?
-Ben non, Getso.

Nous sommes finalement arrivés au gros village final (5 maisons à la place de 3).
Pas trop certain de trouver un transport pour aujourd'hui mais au pire, demain matin, nous avions une voiture qui venait nous prendre.

Nous avons finalement trouvé, à partir du village, un transport pour Leh.
Et deux heures plus tard nous étions de retour à notre homestay.
En nous sentant un peu chez nous, avec les enfants super contents de nous voir arriver.
Juley, juley (bonjour, bonjour).

Dire que les gens ici sont gentils serait un euphémisme.
Les gens ici sont ultra  ultra gentils.
Presque trop.
Fallait voir la grand-mère autour de Catherine.
Un peu plus et elle lui léchait la jambe en pleurant.

Nous avons pris une douche chaude, la première après 5 jours.
Joie et bonheur.
Et sommes allés à l'hopital avec Norboo.
Et ce fut.

Fascinant.

Dans la pièce, à gauche, en entrant dans l'hopital, c'était le triage, enfin un truc du genre.
Une gang de gens assis à faire je ne sais trop quoi dans un décor incroyable.
Des bacs avec des seringues sales, des bacs avec des médicaments en vrac, des gros oignons verts sur un lit, des rideaux en ruine.
Au fait, tout était en ruine.
Pour 10 sous, tu avais en main ton papier pour aller consulter le médecin.
La caisse, c'était une vieille boite de biscuits en métal rouillé.

Plus loin.
Une autre salle avec du monde dedans et deux personnes avec des stétoscopes dans le cou.
Les médecins, sans doute.
Enfin, j'imaginais que c'était ça.

Après 5 minutes d'attente, c'est notre tour.
Le gars tâte la jambe de Catherine.
Ce n'est pas brisé qu'il me dit sinon ça ferait plus mal.

Mais bon, tu as l'air fatigante alors je vais faire passer des rayons x à ta fille pour que tu arrêtes de m'énerver. (traduction libre)
Et ça va te coûter 40 roupies (80 sous).
Je prends un reçu pour mes assurances?

Les rayons x c'est dans l'autre bâtiment en haut.
Le neuf.
Vide et non éclairé.
Nous sommes seules devant la porte inscrit "rayon x" à la main.
Dans le noir.
On se croirait les dernières survivantes après une sale guerre atomique.
Truc du genre.

Un gars arrive de l'extérieur.
C'est peut-être le concierge ou le cireur de soulier ou un passant qui ne savait pas trop quoi faire, mais il ouvre la porte et nous dit qu'il va faire passer la radiographie.
Il ouvre la lumière, prend notre papier.
Il installe Catherine sur le lit.
Je décide de sortir durant la prise des rayons, mais le gars et Norboo (toujours avec nous) ne semblent pas faire grand cas de rester là.

5 minutes plus tard le gars ressort avec la radiographie encore mouillée et qu'il tient dans un coin pour la faire sécher plus vite.

Tout est beau, qu'il me dit, mais tu peux retourner voir le médecin pour une seconde opinion car, honnêtement, tu ne sembles pas me croire et tu es fatigante (traduction libre).

Je retourne voir le médecin.
Naturellement.

Je lui demande s'il est certain que le petit truc que je vois ce n'est pas une cassure.
Il me dit que non.
Non?
Non.
Non?
Non!
Du repos, des médicaments pour la douleur et surélever la jambe pour la nuit.
Et le voilà qui est en train de me dessiner une jambe avec des oreillers en dessous.

Ok, ça va que je lui dis, j'ai peut-être l'air anxieuse et un peu fatigante mais suis pas tant épaisse. (traduction libre).

Bon.

On va dire.

Tout de même.
C'est un hopital de tiers-monde, mais en moins d'une heure et pour moins d'un dollar, on semble avoir vu un médecin et un...radiologiste?
Sort off.

Catherine pourra garder la photo de sa jambe comme un magnifique souvenir de Leh.
On va donner des Advil, on va surélever la jambe, on va trouver des béquilles si besoin (je dois convaincre Norboo que ce n'est pas nécessaire de lui en gosser une paire en bois) et on verra au retour, si nécessaire.

Pour le moment, nous n'avions rien prévu de toute manière comme marche trop exigeante.
Nos prochaines activités se faisant en voiture.

Et, on va en profiter pour relouer un scootie pour quelques jours.

Comme ça, Catherine pourra continuer de faire la princesse sur une quelconque monture.

P.S: Catherine était tout de même un tantinet déçue, elle avait vraiment super envie d'un gros plâtre pour que les enfants puissent écrire dessus en ladakhi.
Full de cool, il parait.
Pfff.




Miettes de trek 3

Catherine a mal à la tête.
Depuis hier.
Nous sommes à 4900 mètres.
Suis un peu inquiète, naturellement.
Je sens tout le poids d'être le seul parent responsable de service.
Difficile de ne pouvoir partager ce genre de souci avec un autre.
Tylénols, repos et eau.
Pas d'autres options pour l'instant.

(...)

"Maman, ça sent l'assouplisseur à lessive."
Nous sommes entourées de montagnes vertigineuses.
Un glacier qui se dresse juste devant nous.
Un petit étang, une rivière qui coule.
Des fleurs partout.
C'est bucolique comme c'est pas permis de l'être.
Bravo les compagnies de lessive pour avoir été capable de reproduire dans une bouteille l'odeur qui se trouvait ici.
Fraiche odeur de Ladakh.

(...)

Nous dormons sous la tente pour un soir.
Le dernier soir avant de franchir, demain, le plus haut col à 5200 mètres.
C'est magnifique.
Presque trop.

(...)
   
"Maman, c'est fou de réaliser que l'on a pas d'autre choix que de continuer.
Que même si ça ne nous tente plus, que c'est dur, on doit aller de l'avant.
On est au milieu de nulle part, il y a autant de route avant, qu'après.
Il n'existe aucune autre solution et se plaindre ne sert à rien."

Ouais, c'est ça le plus grand apprentissage ici.
Avancer même si ça ne nous tente plus.

(...)

Monter vers le sommet.
C'est une dure montée par la force du dénivelé et il faut reprendre son souffle souvent.
Nous sommes à 5000 mètres tout de même.

En dépassant deux groupes de marcheur, mon guide me dit:
"Since the second day of the trek, I notice that you're a good walker, madam"

Si tu savais Getso comme ce commentaire m'a fait du bien.
Parce que la madame elle avait juste envie d'arrêter drette là, dans la pente.
Je pensais à Catherine qui m'avait dit ce matin que si elle avait eu droit à un seul don de téléportation, c'est aujourd'hui qu'elle l'aurait utilisé.

J'ai continué à marcher parce qu'en plus d'être une bonne marcheuse, suis une tête de mule.
Une vraie.
Je marche à l'orgueil, la plupart du temps.

(...)

C'était magnifique.
Le col.
En haut.
5200 mètres sous un ciel dégagé.
La plus belle vue de montagnes de toute ma vie.
À perte de vue, des milliers de sommets.

J'ai pleuré, naturellement.
De voir les autres marcheurs arriver et se serrer dans leurs bras.
Contents de s'être rendus.
Les drapeaux de prières au vent, les photos de groupe, les applaudissements pour ceux qui arrivaient si péniblement.
Nous avons retrouvé notre rigolo couple de Suisse qui prenait leur mascotte en photo, nos jeunes israéliens qui nous ont offert des raisins secs, un groupe de québécois de Terra aventure qui voyageaient avec des tas de chevaux, cet australien blanc comme un drap atteint du mal de l'altitude et qui ne pensait jamais se rendre, cette famille d'indiens de Californie...
Cette ambiance si rassembleuse du sommet, cette connivence entre ceux qui y sont et qui savent ce que cela représente.
D'y être.
Cette certitude d'avoir pleinement mérité ce moment.
Et de n'avoir pu le vivre qu'après avoir autant sué.

(...)

Prendre le temps de savourer avant de redescendre.
S'allonger au soleil du sommet.
Regarder jusqu'à ne plus voir.

Savoir déjà que nous aurons envie de remonter.
Un jour.
Toujours.

Encore une fois, cette envie de montagne comme une drogue.
Avec ce besoin d'avoir régulièrement sa dose.
Son fix.

(...)

Et, nous étions contentes.
Naturellement.
Nous le savions.






Miettes de trek 2

Visite du monastère du coin.
Perché sur un rocher, naturellement.
Il y a juste ça de la roche ici,
Des lambeaux de fresques de plus de 700 ans et que je pourrais effriter d'un doigt.

(...)

Entrer dans la cuisine.
S'assoir avec les deux femmes qui préparaient des momos.
Parce que la cuisine c'est toujours le meilleur spot.
Partout.
La plus jeune parle bien anglais et se marie le mois prochain.
-Excitée?
-oui
Elle s'en va ensuite vivre avec sa belle-mère.
-Ça te fait peur?
-oui, je suis un peu confuse avec ma vie, madame.
-Et vous, vous n'avez pas de mari, madame?
-J'en ai déjà eu un, pendant longtemps, j'ai maintenant la chance de m'en trouver un deuxième et un troisième et même, peut-être un quatrième.

Celle qui parlait anglais a traduit à l'autre.
Regard de connivence entre nous trois.
Envieuses de ma liberté?
Je ne sais pas.
Choses certaines, elles savaient.
Comme seules les femmes savent.
Et sa main qu'elle m'a tendue pour que je tape dedans.


(...)

Rencontrer trois jeunes israéliens.
Sont jeunes, sont beaux, sont en forme.
Un qui transporte une guitare et l'autre son nécessaire pour faire du café.
Sur un petit réchaud.
M'en faire offrir une tasse.
L'accepter parce que c'était une trop belle offre.
Au milieu de nulle part.
Ce café dans ce petit gobelet en métal.

(...)

Trouver sa fille vraiment forte.
De se lever en plein milieu de la nuit et d'aller sous la pluie, dans la boue, au fond du jardin, rejoindre le trou qui sert de toilette.
À la lumière de son ipod.
Puis revenir et me dire "je savais que ce n'était pas une bonne idée d'éclairer par terre, c'est plein de coquerelles".
Et de se recoucher aussi sec.

Vraiment pas une chochotte.

(...)

"T'es dont ben jolie.
Comment tu fais pour être jolie comme ça en marchant sur un sentier?"

Sans doute le plus beau compliment spontané que l'on m'a fait de toute ma vie.
Surtout de la part de ma fille.
Qui complimente peu.
Merci encore.
Il m'a fait chaud au coeur pendant bien des kilomètres.

(...)

Traverser des rivières bouillonnantes.
Des tas de fois.
Devoir enlever ses souliers et relever ses pantalons.
Faire attention car le courant est fort.
L'eau glacée qui saisit.
Il pleut.
Ce pourrait être misérable mais ça ne l'est pas.
C'est juste vraiment le fun.


(..)

Croiser plusieurs fois un sud-coréen sur la route.
Il marche seul.
Complètement gelé la plupart du temps.
Il dort dans la même homestay que nous.
Il me propose de fumer avec lui.
Dans cette cuisine, à 4000 mètres, avec notre guide, ils sont en train de se rouler quelques joints.
Parait que c'est du très bon stock acheté un peu plus bas, ça rend l'esprit very clear de me certifier Won (le sud-coréen).
Je décline.
Je ne me sentais pas vraiment l'intrépidité de fumer je ne sais trop quoi, avec je ne sais trop qui, dans un lieu complètement isolé de tout, avec ma fille à côté.
J'ai souri en pensant à tous ceux qui auraient dit oui.
J'ai vieilli.
Je sais.


(...)

Apprendre à jouer au trou de cul à un sud-coréen à moitié stone et à un guide ladakhi.
Dans une cuisine sombre avec un chat qui rentrait dans la petite trappe derrière le poele pour aller s'y réchauffer.
Pendant que le pain pour demain se cuisait sur le rond.
Les cartes, c'est toujours rassembleur.
Peu importe la langue, peu importe la provenance.
Tout le monde joue aux cartes.
Même moi, de temps en temps.

(...)

Laver son linge et prendre sa douche.
Des trucs simples qui, ici, ne le sont pas vraiment.
Pomper l'eau de la fontaine.
Se laver avec un seau après avoir fait chauffer de l'eau dans une bouilloire au soleil.
Meilleure douche ever de dire Catherine.
Faut vraiment pas être précieuse.
Ni regardante sur l'hygiène.
Et toutes ces coquerelles, la nuit.
Et que l'on retrouve flottantes dans l'eau de notre lessive.
Ouais, faut pas trop y penser.

(...)

Et j'y suis rentrée comme on entre dans une église.
Comme dans un monastère.
Un sanctuaire.
Toujours un peu émue.
Avec recueillement j'ai regardé les dessins d'enfants, la grille horaire de la journée, les comptines affichées sur le mur.
Toujours un peu pareil, partout.
J'ai contemplé toute la vie qui suintait de cette école.
Avec cette pensée toute particulière vers les enseignants d'ici.
Qui font le plus beau métier.
Éduquer pour faire avancer le monde.
Et d'avoir remarqué, plus bas sur le sentier, qu'il cherchait des volontaires dans l'école de l'autre village.
Se prendre à rêver.

(...)







Miettes de trek 1


Marcher.
C'était le but en venant ici.
S'imprégner du paysage au rythme de nos pas.
Et penser.
Ce que l'on fait le plus en marchant.
Quand on commence à faire de la randonnée en montagne, c'est comme une drogue.
Avec ce besoin d'y revenir régulièrement.
De revivre le sentiment si intense d'atteindre le sommet et le plaisir incomparable de délacer ses souliers, à la fin de la journée.
Ce besoin d'avoir sa dose.
Son fix.


(...)

La vallée de la Markha.
Trek de 6 jours qui permet surtout, si on le désire, de dormir chez les gens et donc de ne pas avoir à transporter de tente.
Pas trop extrême, il parait, même s'il y a le passage d'un col à 5200 mètres.
C'est difficult sans être very difficult.
De toute manière, selon la météo ou les conditions, même le trek le plus facile peut se révéler être la montée de l'Everest.
Le goulag ou le nirvana.
Et la montagne, on ne la domine jamais, c'est elle qui décide.
On fera avec ce que l'on aura.
Un pas à la fois.


(...)

30 secondes après être partie de notre "homestay" pour rejoindre notre guide, Catherine me souffle qu'elle est déjà tannée de marcher.
Nous partons à rire.
Pourquoi on fait ça déjà?
Ah oui, on va être contentes à la fin.
Rires.

(..)

Getso, c'est son nom
20 ans, étudiant en commerce à Jammu, ladakhi qui vient d'un village pas loin, chandail de Bob Marley.
Guide, c'est sa job d'été.
Il me dit que son nom veut dire Océan.
Je trouve que c'est beau que des parents, vivants si loin de la mer, aient pu rêver de ce prénom pour leur fils.
Je suis contente de marcher avec lui.
Il est souriant, tout le temps.
Il me plait.

(..)

Voyage qui commence à l'indienne.
Avec la voiture qui tombe en panne.
Fumée un peu partout.
Je rigole en me rappelant la même situation vécue au Laos.
Certitude que tout va finir par s'arranger d'une manière comme d'une autre.
Nous sommes au pays de la débrouille et des plans B,C et D.
Je ferme les yeux et j'attends.
Suis en vacances.
Rien ne presse de toute manière.

Magiquement, après 20 minutes de gossage et de je ne sais pas trop quelles manoeuvres, la voiture repart.
Pour s'arrêter de nouveau.
Et repartir pour de bon.

J'le savais tellement.

(...)

Marcher sur la lune.
C'est l'impression que nous avons.
Désert de roches.
On longe la Zanskar.
Le pont pour passer vers l'autre rive a été emporté il y a deux ans.
Pas de problème, il y a un bac du genre tyrolienne.
Cordes et poulies et plate-forme en bois.
On doit héler un gentil passant de l'autre bord pour tirer sur la corde avec nous.
Recette du moyen-âge mais qui a fait, moultes fois, ses preuves.
Nous traversons au-dessus d'une eau tumultueuse.
Arbraska peut aller se rhabiller.

(...)

Le soleil plombe.
Nous sommes à plus de 3500 mètres.
Nous sentons nos peaux cuire.
Même Catherine doit mettre de la crème pour ne pas bruler.
C'est tout dire.
Souffle un peu court et vertige dès que nous regardons par en haut ou par en bas.
C'est haut de partout.

Nous suivons la vallée.
C'est fou le contraste entre la roche et la végétation.
C'est taillé au couteau.
Ici la mort, ici la vie.
D'un même regard.

(..)

Difficile de refuser une tasse de thé.
De la jeune fille sous la tente.
De la grand-mère dans la maison.
Du moine qui nous a fait visiter son monastère.
Après cette dernière tasse, Getso me dit que c'est fini pour lui.
Plus capable d'avaler une autre tasse.
Nous partons à rire.
Contente de savoir que je ne suis pas la seule qui est saturée.
Mais comment dire non?
Je bois pour faire plaisir.
Et pour partager.

(...)

Elle était assise et brossait de la laine.
Sous une tente, avec sa fille qui tenait le "magasin".
Une armoire avec deux-trois trucs.
This is the hotel m'avait dit Getso.
C'était là que nous allions diner..
Nous avons alors fait comme les enfants à la cafétéria.
Nous avons échangé nos lunchs.
Sandwiche baguette contre chapatis confiture/beurre.
Nous avons définitivement gagné au change.

Et voir ses yeux s'illuminer quand je lui ai dit qu'elle était si belle.

(...)

Arrivés dans un village.
4 maisons, des jardins, de la vie autour de l'eau.
C'est là que nous allons rester pour la nuit.
Les maisons sont des homestays en rotation.
Comme ça, pas de jaloux, c'est chacun son tour de recevoir et de faire des sous.
C'est pauvre.
Tellement.
Pour vrai.

J'ai l'impression que rien n'a du beaucoup changer depuis des centaines d'années.
À part le poste de télévision qui prend de la poussière dans un coin.
Ce qui est le plus surprenant c'est l'habillement.
J'ai la certitude de contempler quelque chose qui n'existera plus dans quelques années.
Que c'est la dernière génération de gens à vivre comme ça.
Avec rien.


À mes fils

Mes fils

Je vous écris du haut du monde.
Avec cette impression un peu étrange d'avoir été parachutée au coeur d'un univers fait de milliers de parois rocheuses.
Un désert de sable et de pierre qui m'étreint et qui m'agresse.
Un monde lunaire, calcaire, sauvage, qui m'entoure.
Un paysage rude et sans fioriture.
Un monde où il y a trop peu pour que l'artificiel puisse exister.

Je vous écris du haut du monde.
Où mes pas suivent une rivière qui fait germer sur son passage des ilots de verdure.
Des ilots de nature improbable.
Le vert et le terre.
Le sec et l'humide.
La vie et la mort.

Je vous écris du haut du monde.
Assise dans cette maison sortie d'une autre époque.
De terre et de pierre, elle aussi.
Semblable à la nôtre parce que c'est une maison avec de la vie dedans.
Avec une cuisine et des enfants que les mères lavent à la fontaine.
Et qui pleurent.
Sans doute parce que c'est froid.

Je vous écris du haut du monde
Parce qu'en prennant un thé avec l'unique moine gardien du monastère, j'ai pensé à cet autre moine, en Birmanie.
Je sais que vous vous souvenez.
Du gout des biscuits et de cette rencontre, en bas d'un escalier.
Nous y étions alors ensemble.
Aujourd'hui vous étiez un peu avec moi, aussi.
Comme souvent, comme toujours.

Je vous écris du haut du monde
Parce que notre guide porte un chandail de Bob Marley et deux boucles d'oreilles sur la même oreille.
Et parce que son nom veut dire Océan.
Parce que la jeune fille qui nous a offert des chapatis en échange de notre sandwiche était magnifique.
Parce que sa mère brossait de la laine à côté.
Parce que le moment sous cette tente perdue au milieu de rien était tout simplement beau.
Parce que je sais que vous auriez aimé, vous aussi.

Je vous écris du haut du monde
Pour vous dire que je suis bien.
Que je suis exactement là où j'ai envie d'être.
Avec la poussière de la route qui me colle dans les cheveux.
Avec mes yeux qui n'en peuvent plus de voir.
Avec ce soleil qui me tanne la peau et qui me ridera sans doute bien trop vite.
Avec la certitude que le peu que j'ai avec moi est déjà trop.
Et avec cette confiance que je peux réaliser tous les rêves que j'ai dans ma tête.

Je vous écris du haut du monde.
Parce que je vous souhaite d'y être un jour.
Dans un quelconque ailleurs qui vous fera vous dépasser.
Qui vous fera réaliser le peu d'importance de certaines choses et l'immuabilité de plusieurs.
La force des regards, la beauté des sourires, la joie de partager un repas, l'impression de faire partie de la même humanité.
De réaliser surtout la faculté incroyable d'adaptation de l'être humain, son ingéniosité à survivre, son envie de partager avec l'autre, sa curiosité qui le fait avancer, son besoin de se regrouper et sa faculté à aimer.
À aimer.
Toujours.
Partout.

Je vous écris du haut du monde
Parce que vous y êtes.
Avec moi.

xxx





samedi 11 juillet 2015

Scootie

C'était à la base l'idée de Norboo, notre hôte.
Rent a scootie if you want to visit the temples.

Un scootie?
Je savais que le Ladakh était le paradis des motards.
La route carossable la plus haute du monde.
Le rêve extrême de tout amoureux du bitume et des sensations fortes.
L'ultime chemin à dévaler sur deux roues.
Genre de pélerinage à la Mecque à faire une fois dans sa vie pour tout "biker" qui se respecte.

Mais, un scootie?
Ici, la moto est reine.
Des Royal Enfield qui ont toutes l'air d'avoir fait la guerre.
Des gars dessus qui ont tous l'air d'en revenir.
Foulards, bottes de cuir, lunettes de soleil, peau tannée par le soleil, lèvres gercées par le vent.
Rack à l'arrière avec des bidons d'essence.
Mucho viril le motard au Ladakh.
Rien à voir avec ce que l'on croise sur des trois-roues chez nous.
Rien à voir.

Mais, un scootie?
Venir ici c'est nécessairement avoir envie d'enfourcher une bécane.
De conduire ou encore de serrer très fort la taille d'un quelconque motard de service.
Mais,
Je ne me sentais vraiment pas assez intrépide pour tenter le coup de la conduite et je n'avais définitivement pas assez de temps pour trouver un éventuel dos à contempler sur des kilomètres.

Mais, un scootie?
Voilà qui était une idée séduisante même si je n'avais pas vraiment vu de scootie dans les rues ou encore en location.

Pas assez viril sans doute.

(...)

J'ai rencontré Showkat en cherchant des renseignements sur un trek.
Derrière le bureau de son agence, c'était vraiment le plus beau ladakhi que j'avais vu depuis mon arrivée ici.
Sourire ébouissant et ce petit je-ne-sais-quoi que seul peut dégager les hommes qui ont vu la montagne, la vraie, de près.
J'ai souri quand je l'ai entendu parler français.
Me semblait aussi qu'il avait ce regard.

C'est lui qui m'a arrangé le coup du scootie et qui a passé plus d'une heure à me dessiner une carte infaillible pour que je ne me perde pas.

C'était bon
.
Deux casques, une clef, un test de klaxon et un rappel que la conduite ici se faisait à gauche.
Ah! je croyais que la conduite ici se faisait n'importe comment.

Bon, j'ai vraiment l'air plus confiante que je l'étais véritablement.
Les routes ici c'est le chaos.
L'impression d'un récent bombardement.
Entre les trous, la poussière, le traffic, les pierres, le sable, les marchands, les ronds-points, la signalisation inexistante...la conduite ici relève de l'art de sauver sa peau.
Au plus fort la poche et advienne que pourra.

J'ai embarqué sur le scootie en me disant que ma maman ne serait pas rassurée du tout.
Si elle savait.

Et, nous sommes parties.
Moi un peu hésitante et qui me disais que j'avais, des fois, des idées douteuses.
Catherine super contente car elle avait un casque rose marqué "cute" sur le côté.
Ça suffisait.
Le bonheur est définitivement fait de choses simples.

Showkat est venu me rejoindre à la station d'essence.
Il semblait presque soulagé de m'y voir arriver.
C'était bon.
Le plus dur était fait.

Et, j'ai pris de l'assurance.
J'ai compris les codes du "pas de code" et j'ai mis, moi aussi, mon foulard et mes lunettes de soleil.
Pas une Royal Enfield mais une petite sensation de vent dans le cou qui donnait l'envie de se faire tatouer un aigle sur le dos.
Un petit, disons.

Le reste fut une véritable partie de plaisir.
Loin de la route principale, il n'y avait plus un chat.
Dans un paysage à couper le souffle, nous étions seules à visiter des monastères déserts, à croiser des villages tranquilles, à passer sur des ponts de bois, à contempler l'Himalaya qui nous entourait de partout.

Et de se sentir si vivantes.
Libres et fières d'avoir osé.

Se dire que c'est uniquement comme cela qu'il nous faut vivre.
En osant.
Et en repoussant nos peurs.
Toujours un peu plus loin.

"Voire que c'est à cause d'un film que nous sommes ici", de me souffler Catherine à l'oreille

Non, Catherine.

Nous ne sommes pas ici à cause d'un film.
Nous sommes ici parce qu'un jour nous avons fait un rêve et que nous avons décidé de le suivre.

Jusqu'au bout.







vendredi 10 juillet 2015

Comme des enfants

Quand je me suis assise, dans la cuisine, avec nos hôtes, et qu'ils m'ont proposé de faire des momos avec eux, je savais que ce serait un fiasco.
Moi et la dentelle culinaire.
Mais je savais aussi que ça allait faire rire les enfants.
J'ai fait un dinosaure, un oiseau et une queue de baleine.
Des momos tout croches.
Ils ont ri, comme tous les enfants du monde auraient ri.





C'est dans le salon/salle à diner que nous les avons mangés.
Les enfants choisissant mes momos laids.
Parce que c'est bien plus drôle de manger un dinosaure.

Et la grand-mère qui me fait tellement penser à la mienne.
Toute ridée à travers ses fleurs, penchée dans son potager.
Elle ne parle pas anglais mais tente vraiment très fort de nous dire des tas de choses.
Puis, elle a cet air...



C'est vraiment bien d'être chez les gens.
Ça aide l'économie locale et ça nous fait sentir à la maison.
Un peu.
Avec les enfants qui rentrent de l'école pour faire leurs devoirs.
La préparation des repas.
Le balayage de la terrasse.
Cette vie quotidienne que je pourrais observer sans fin.
Car elle ressemble à la mienne.
Les mêmes impératifs.
Faire à manger, nettoyer la maison, s'occuper des enfants.
Et s'aimer?
Sans doute.
Je l'espère du moins.

Acclimatation oblige, nous nous promenons tranquillement à Leh.
Nous sommes des filles obéissantes.
Nous suivons les étapes prescrites.
On se repose, on boit du thé et on évite les efforts pendant au moins deux jours.
Après nous serons prêtes pour monter plus haut.
Voilà qui nous va très bien!

(...)

Nous avions rendez-vous à la fin de la journée avec nos guides personnels pour nous amener à la Shanti Stupa.
Wangdan et Thupstan les fils de la maison qui rigolent comme des bandits dès qu'ils nous voient.
Ils ont 10 et 13 ans mais Catherine et moi sommes certaines que ce sont des gnomes.


Nous les avons suivi sur le sentier.
Le leur.
Et c'est tous les enfants du monde que nous suivions.
Des enfants qui bras dessus- bras dessous se tiraillaient, se courraient après, lançaient des caillous, faisaient tourner en gambadant les moulins à prières et se racontaient sans doute des blagues incroyables car ils riaient tout le temps.
C'est là que nous avons pris pleinement conscience qu'il y a des choses universelles.
Et que, si tu cours après un enfant, pour le rattraper en lui disant "touch".
C'est certain qu'il va faire la même chose.
La tag, c'est franchement un jeu merveilleux.
Même à 3500 mètres!






Et dessiner.
Mal, mais c'est pas grave.
Et faire des coins-coins.
Et montrer des photos de chez soi.
Des photos de leurs visages sur la route.
Et c'est là que l'on regrette de ne pas savoir jongler, ou de ne pas savoir jouer de l'harmonica, ou de ne pas avoir retenu plus de trucs à faire avec rien.
Et faire des selfies avec eux.
Des selfies de grimaces.
Ça aussi c'est franchement universel.
Et tellement drôle.
Et ça je sais vraiment bien faire.
Et se souvenir que l'on était capable de faire de la musique avec ses mains.
Et de tourner sa langue étrangement.
Et c'est là que l'on rigole le plus.

Les enfants du monde se ressemblent tous.















jeudi 9 juillet 2015

Revenir

Déja par le hublot de l'avion nous savions que nous étions ailleurs.

Totalement.

Nous survolions une suite sans fin de pics enneigés, de sommets rocheux.
Comme de la meringue sur le dessus d'une tarte au citron géante.
Sans fin, nous survolions le Ladakh.
Région à la frontière entre le Pakistant et la Chine.
Le petit Tibet.
Le haut du monde à défaut d'en être le bout.

Et à travers ces pics, des vallées verdoyantes.
De la vie.
Un peuple de nomades qui, un jour, a décidé de se poser et de construire.
Un oasis.

Descendre directement sur le tarmac.
Se retrouver à 3500 mètres d'altitude.
Être entourées par le décor.
Voir notre premier moulin à prières et se regarder, Catherine et moi.
Nous étions de retour.

(...)

J'avais réservé rapidement une guest house en ne lisant qu'un seul commentaire déniché sur internet.

Home stay (plutôt) au sein d'une famille ladakhi, jardin, confitures maison et vue sur les montagnes.
Ça me suffisait.
En voyant notre hôte venu m'attendre à l'aéroport, je savais que ce serait bon.

En ouvrant le portail, il y avait son jardin.
Ça sentait la menthe.
Il m'a présenté sa femme, ses deux petits garçons et sa mère.
J'ai présenté ma fille.

J'ai ouvert les rideaux de la chambre et grand les fenêtres.
Vue sur les montagnes et sur une énorme stupa, au loin.
Depuis le lit, il y avait tout ce paysage qui remplissait deux murs, comme un tableau.
Mieux que la télé.

De l'eau chaude dans un thermos en plastique sur le bord du lit, des sachets de thé et des biscuits.
J'ai retrouvé un peu de la Chine.
Foulards blancs d'accueil posés par la grand-mère et le fils autour de notre cou et je me suis retrouvée au Népal.
Et dans la même façon de serrer la main, en se touchant la coude de l'autre main.

En allant dans leur salon, j'ai marché sur un jouet d'enfant.
Est-ce le lot de tous les parents du monde de marcher sur un morceau de légo?

Chose certaine, je n'étais plus en Inde, j'étais au Ladakh.


Chose certaine, j'y étais bien.





Vue de la fenêtre de droite

Une rue de Leh