mercredi 22 juillet 2015

À mes fils

Mes fils

Je vous écris du haut du monde.
Avec cette impression un peu étrange d'avoir été parachutée au coeur d'un univers fait de milliers de parois rocheuses.
Un désert de sable et de pierre qui m'étreint et qui m'agresse.
Un monde lunaire, calcaire, sauvage, qui m'entoure.
Un paysage rude et sans fioriture.
Un monde où il y a trop peu pour que l'artificiel puisse exister.

Je vous écris du haut du monde.
Où mes pas suivent une rivière qui fait germer sur son passage des ilots de verdure.
Des ilots de nature improbable.
Le vert et le terre.
Le sec et l'humide.
La vie et la mort.

Je vous écris du haut du monde.
Assise dans cette maison sortie d'une autre époque.
De terre et de pierre, elle aussi.
Semblable à la nôtre parce que c'est une maison avec de la vie dedans.
Avec une cuisine et des enfants que les mères lavent à la fontaine.
Et qui pleurent.
Sans doute parce que c'est froid.

Je vous écris du haut du monde
Parce qu'en prennant un thé avec l'unique moine gardien du monastère, j'ai pensé à cet autre moine, en Birmanie.
Je sais que vous vous souvenez.
Du gout des biscuits et de cette rencontre, en bas d'un escalier.
Nous y étions alors ensemble.
Aujourd'hui vous étiez un peu avec moi, aussi.
Comme souvent, comme toujours.

Je vous écris du haut du monde
Parce que notre guide porte un chandail de Bob Marley et deux boucles d'oreilles sur la même oreille.
Et parce que son nom veut dire Océan.
Parce que la jeune fille qui nous a offert des chapatis en échange de notre sandwiche était magnifique.
Parce que sa mère brossait de la laine à côté.
Parce que le moment sous cette tente perdue au milieu de rien était tout simplement beau.
Parce que je sais que vous auriez aimé, vous aussi.

Je vous écris du haut du monde
Pour vous dire que je suis bien.
Que je suis exactement là où j'ai envie d'être.
Avec la poussière de la route qui me colle dans les cheveux.
Avec mes yeux qui n'en peuvent plus de voir.
Avec ce soleil qui me tanne la peau et qui me ridera sans doute bien trop vite.
Avec la certitude que le peu que j'ai avec moi est déjà trop.
Et avec cette confiance que je peux réaliser tous les rêves que j'ai dans ma tête.

Je vous écris du haut du monde.
Parce que je vous souhaite d'y être un jour.
Dans un quelconque ailleurs qui vous fera vous dépasser.
Qui vous fera réaliser le peu d'importance de certaines choses et l'immuabilité de plusieurs.
La force des regards, la beauté des sourires, la joie de partager un repas, l'impression de faire partie de la même humanité.
De réaliser surtout la faculté incroyable d'adaptation de l'être humain, son ingéniosité à survivre, son envie de partager avec l'autre, sa curiosité qui le fait avancer, son besoin de se regrouper et sa faculté à aimer.
À aimer.
Toujours.
Partout.

Je vous écris du haut du monde
Parce que vous y êtes.
Avec moi.

xxx





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