mercredi 22 juillet 2015

Miettes de trek 3

Catherine a mal à la tête.
Depuis hier.
Nous sommes à 4900 mètres.
Suis un peu inquiète, naturellement.
Je sens tout le poids d'être le seul parent responsable de service.
Difficile de ne pouvoir partager ce genre de souci avec un autre.
Tylénols, repos et eau.
Pas d'autres options pour l'instant.

(...)

"Maman, ça sent l'assouplisseur à lessive."
Nous sommes entourées de montagnes vertigineuses.
Un glacier qui se dresse juste devant nous.
Un petit étang, une rivière qui coule.
Des fleurs partout.
C'est bucolique comme c'est pas permis de l'être.
Bravo les compagnies de lessive pour avoir été capable de reproduire dans une bouteille l'odeur qui se trouvait ici.
Fraiche odeur de Ladakh.

(...)

Nous dormons sous la tente pour un soir.
Le dernier soir avant de franchir, demain, le plus haut col à 5200 mètres.
C'est magnifique.
Presque trop.

(...)
   
"Maman, c'est fou de réaliser que l'on a pas d'autre choix que de continuer.
Que même si ça ne nous tente plus, que c'est dur, on doit aller de l'avant.
On est au milieu de nulle part, il y a autant de route avant, qu'après.
Il n'existe aucune autre solution et se plaindre ne sert à rien."

Ouais, c'est ça le plus grand apprentissage ici.
Avancer même si ça ne nous tente plus.

(...)

Monter vers le sommet.
C'est une dure montée par la force du dénivelé et il faut reprendre son souffle souvent.
Nous sommes à 5000 mètres tout de même.

En dépassant deux groupes de marcheur, mon guide me dit:
"Since the second day of the trek, I notice that you're a good walker, madam"

Si tu savais Getso comme ce commentaire m'a fait du bien.
Parce que la madame elle avait juste envie d'arrêter drette là, dans la pente.
Je pensais à Catherine qui m'avait dit ce matin que si elle avait eu droit à un seul don de téléportation, c'est aujourd'hui qu'elle l'aurait utilisé.

J'ai continué à marcher parce qu'en plus d'être une bonne marcheuse, suis une tête de mule.
Une vraie.
Je marche à l'orgueil, la plupart du temps.

(...)

C'était magnifique.
Le col.
En haut.
5200 mètres sous un ciel dégagé.
La plus belle vue de montagnes de toute ma vie.
À perte de vue, des milliers de sommets.

J'ai pleuré, naturellement.
De voir les autres marcheurs arriver et se serrer dans leurs bras.
Contents de s'être rendus.
Les drapeaux de prières au vent, les photos de groupe, les applaudissements pour ceux qui arrivaient si péniblement.
Nous avons retrouvé notre rigolo couple de Suisse qui prenait leur mascotte en photo, nos jeunes israéliens qui nous ont offert des raisins secs, un groupe de québécois de Terra aventure qui voyageaient avec des tas de chevaux, cet australien blanc comme un drap atteint du mal de l'altitude et qui ne pensait jamais se rendre, cette famille d'indiens de Californie...
Cette ambiance si rassembleuse du sommet, cette connivence entre ceux qui y sont et qui savent ce que cela représente.
D'y être.
Cette certitude d'avoir pleinement mérité ce moment.
Et de n'avoir pu le vivre qu'après avoir autant sué.

(...)

Prendre le temps de savourer avant de redescendre.
S'allonger au soleil du sommet.
Regarder jusqu'à ne plus voir.

Savoir déjà que nous aurons envie de remonter.
Un jour.
Toujours.

Encore une fois, cette envie de montagne comme une drogue.
Avec ce besoin d'avoir régulièrement sa dose.
Son fix.

(...)

Et, nous étions contentes.
Naturellement.
Nous le savions.






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